François-Pascal-Simon baron GERARD. 1770-1837.
Artiste peintre.
Etude pour le grand dessin du Concordat avec Bonaparte. S.d. (circa 1805).


Dessin à la mine de plomb, esquisse recto-verso ; bi-face sous marie-louise et cadre de bois doré à palmettes.

Dimensions : 10,5 x 7,5 cm ; cadre 18,5 x 21,5 cm


Desrais, étude pour le Concordat

Etude au crayon pour le grand dessin du Concordat par le peintre Gérard.

Cette première esquisse présente une intéressante variante dans la composition générale qui diffère de l’œuvre finale. Elle montre en effet Bonaparte Premier Consul, assis à gauche, non pas de face mais de côté, le visage tourné vers le spectateur, accoudé à son fauteuil ; une plume à la main, il présente le traité au cardinal Consalvi placé à droite ; à l’arrière-plan, devant des tentures dressées à l’occasion, et placé entre les deux principaux personnages, se tient Joseph Bonaparte ou Portalis, principal instigateur de la rédaction du traité.

Le gouvernement du premier Consul négociait depuis longtemps avec la cour de Rome les bases d’un Concordat. Les articles ayant été discutés et arrêtés à Paris par les conseillers d'Etat Joseph Bonaparte, Cretet et l'abbé Bernier, docteur en théologie, d'une part, et le cardinal Consalvi de l'autre, le ministre des Cultes Portalis et les commissaires furent reçus aux Tuileries dans le cabinet du Premier Consul qui signa le concordat le 15 juillet 1801.

Bien que la signature du Concordat soit capitale dans la politique du Premier Consul, ayant réussi à ramener la paix intérieure en France [troublée par les questions religieuses depuis 1791], les représentations de cet évènement sont pourtant relativement rares. D’après le concours qui fut institué en 1802 pour célébrer le Concordat, seuls les noms de quelques artistes émargent dans les collections publiques ; ainsi l’allégorie du Concordat, composé par Pierre-Joseph-Célestin François (1759-1851), ou encore la suite de dessins présentant la signature du Concordat par Claude-Louis Desrais (1732-1808). En 1803, Wicar eut la faveur du gouvernement avec son tableau montrant la ratification du Concordat par le Pape ; Denon, Directeur du Musée central des Arts commanda auprès de Boucher-Desnoyer une gravure d’après ce tableau, pour être distribué au Cardinal Fesch et au Cardinal Consalvi à l’intention expresse du Pape.[1]



Dessin final de Gérard exécuté en 1805

Gravure exécutée sur ordre de Napoléon

La politique mise en œuvre pour glorifier chaque événement important émanant du Premier Consul, était prise avec considération à des fins de propagande. Dans son rapport à Bonaparte, Denon écrivait : Il serait important aussi que des tableaux historiques de cette nature ne fussent pas toujours donnés par encouragemens à des peintres dans le besoin, mais aux meilleurs artistes qui recevraient leur gloire du gouvernement et feraient celle de leur siècle.[2] A cette époque, en 1803, Gérard avait été pressentit pour réaliser un autre sujet historique, l’acte de médiation de la Suisse. C’est seulement à l’avènement de l’Empire que Gérard s’empara du sujet pour présenter son dessin du Concordat. Simple commande ou esquisse pour la réalisation d’une grande toile, l’artiste en recevra 1200 Francs, d’après les comptes de la Maison de l’Empereur d’avril 1805.[3] Il faut croire que ce dessin plût à Napoléon, puisqu’il fut ensuite placé dans les appartements de Sa Sainteté avant d’être récupéré par Denon en février 1806, pour les collections du Musée du Louvre[]. Par décret impérial du 1er mars 1806[4], un fond de 8000 Francs fut alloué pour l’exécution d’une gravure d’après le dessin de M. Gérard,





[1] Correspondance Denon, Archives des musées nationaux, lettres n° 105 et 223, concernant la gravure du dessin, représentant Le Pape Pie VII remettant au cardinal Consalvi la bulle de ratification du Concordat. Il ressort de cette correspondance que la gravure commandée par l’acte du 22 germinal an 11 (AMN C6 « Chalcographie - Commandes et acquisitions », 12 avril 1803), on prévoyait un délai de dix mois pour sa remise, et un paiement de 2 500 F pour 50 exemplaires avant la lettre et cent cinquante exemplaires sur beau papier. Denon en envoya six épreuves au cardinal Fesch (lettre 292, 5 frimaire an 12) et cent épreuves au cardinal Consalvi à l’intention du pape (lettre 293, 5 frimaire an 12). Sur ordre de l’Empereur, cette gravure sera à nouveau tiré en février 1806, au moment où on envisageait de faire la gravure du dessin de Gérard.

[2] Note de Denon sur un rapport au Premier Consul. Lettre n°AN5, 5 mars 1803, Archives nationales AF IV 1049
[3] Lettre n°679, 21 avril 1805, Archives des musées nationaux, registre *AA5 p. 143, Denon, directeur général du musée Napoléon à M. de Fleurieu, intendant général de la Maison de l’Empereur. Mention du dessin de Gérard, dont le prix est comparé à celui d’Isabey. (…) M. Gérard vient de faire un dessin de La Signature du Concordat et ce peintre du premier ordre en a reçu 1200 fr. (…).

[4] Lettre n°AN48, 19/02/1806, Archives nationales AF IV 1050 dr 2 n° 18, Rapport à l’Empereur. Dans le même rapport, l’épreuve de la gravure du tableau de Wicar a été envoyé au Pape sur ordre de Napoléon.

[5] Archives Nationales Série S6 (Musée Nationaux) - 20144793/12 (1810-1835) – Correspondances adressées à Vivant Denon. Daru demande à Denon de lui établir un rapport sur le choix des artistes et des moyens à mettre en œuvre pour l'exécution des ouvrages tels qu'ordonnés par les 3 décrets impériaux du 1er mars (Le 1er décret ordonne l'exécution de portraits peints de membres de sa famille, le 3e décret ordonne la gravure du dessin représentant la signature du Concordat.).

Charles Monnet. Signature du Concordat.

représentant Le Premier Consul signant le Concordat que lui présentent le cardinal Consalvi et les membres du conseil d’Etat Joseph Bonaparte, Portalis et Cretet.[6] Le travail sera confié aux graveurs Henri Laurent pour le premier projet et Avril pour la sous-traitance des gravures qui seront achevées un an plus tard.[7] En août et en octobre 1807, Denon invitait Gérard à donner son accord pour l’édition de la gravure, après examen des épreuves ; ménageant les susceptibilités de l’artiste, Denon lui demanda de signaler les éventuelles corrections à faire à l’attention du graveur, et lui suggéra même de modifier « la position des jambes » du premier Consul.[8] Le dessin du Concordat de Gérard dont la gravure sera largement distribuée notamment aux hauts ecclésiastiques et à l’entourage du Pape, aura une certaine influence dans la représentation de cet événement marquant. Pour exemple, les dessins de Charles Monnet (1732-1808) qui illustre l’ouvrage intitulé L’Histoire de France sous l’Empire de Napoléon le Grand (…) publié entre 1809 et 1813 par le graveur David.

Esquisse du Concordat

Esquisse du portrait de Madame Récamier

coll. de la ville de Quimper

Esquisse du portrait de Madame Récamier

coll. privée (Christie’s Paris, mars 2018)


qu'ordonnés par les 3 décrets impériaux du 1er mars (Le 1er décret ordonne l'exécution de portraits peints de membres de sa famille, le 3e décret ordonne la gravure du dessin représentant la signature du Concordat.).

[6] Archives des musées nationaux, Denon à l’Intendant général de la Maison de l’Empereur, Lettre n°1039, 13 octobre 1806 & Lettre n°1080, 31 décembre 1806.

[7] Idem, Lettre n°1249, 18 novembre 1807. Monsieur l’Intendant général, J’ai l’honneur de vous adresser un état de proposition de payement d’une somme de 4 000 F à faire au sieur Laurent, graveur, pour le troisième et quatrième quart de la gravure du dessin de La Signature du Concordat. Cet ouvrage étant terminé, je vous prie, Monsieur l’Intendant général, de faire ordonnancer cette somme de 4 000 F au profit du sieur Laurent sur le fond de 8 000 F affecté en 1806 pour l’exécution de cette gravure. (…)

[8] Archives des musées nationaux. Denon à Gérard. Lettre n°1157, 11 août 1807. Je reçois à mon arrivée, Monsieur, votre lettre relative à la gravure de votre dessin du Concordat. Votre réclamation est fondée, et la planche que je n’ai pu voir encore ne sera pas publiée que vous ne l’ayiez examinée; telle a toujours été mon intention et, si le graveur (…). & Lettre n°1207, 6 octobre 1807. M. Avril vient de me remettre, Monsieur, la gravure qu’il a exécutée d’après votre dessin du Concordat. Les changemens, que je lui ai indiqués et qu’il a fait, ont beaucoup amélioré son ouvrage, et M. Avril m’assure que vous en avez été satisfait. J’aurois bien cependant quelque chose à désirer comme dessin aux jambes de Sa Majesté, et je vous prie, Monsieur, de me faire connoître votre opinion sur cette gravure, et me mander si vous croyez que, dans l’état où elle est, elle rende les corrections de votre dessin.

Œuvres en rapport :


- Gérard. Signature du Concordat entre la France et le Saint-Siège, le 15 juillet 1801. S.d. Dessin (48 x 60 cm), Musée du château de Versailles, fonds des dessins et miniatures, INV26712.


- Signature du Concordat entre la France et le Saint-Siège. 1807. Gravure par Henri Laurent.


- Lestang-Parade, Alaux, Le Romain. Signature du Concordat entre la France et le Saint-Siège. 1834. Huile sur toile (panneau décoratif). Commandée par Louis-Philippe pour le Musée historique du Château de Versailles en 1834, d’après Gérard.

Au verso de notre esquisse, figure le train arrière d’un cheval, étude que l’on peut attribuer au cheval du chasseur de la Garde, à gauche de la composition de Gérard, sur son chef d’oeuvre de la Bataille d’Austerlitz. Très occupé par ses portraits, Gérard réalisa peu de grandes compositions. Il présenta cette oeuvre monumentale au Salon de 1810, remportant un immense succès. Dans son rapport à l’Empereur, Denon encore, sera particulièrement élogieux vis-à-vis de Gérard, plaçant l’artiste au sommet de sa renommée : Gérard, dans le tableau de La Bataille d’Austerlitz, a déployé le talent que, depuis 15 ans, il annonçait et que, depuis six, je lui reprochais de ne pas produire. Après avoir dit que son ciel est sans transparence, il n’y a plus qu’à le louer sur toutes les autres parties de son tableau. La distribution de ses groupes est élégante et vaste. Sa composition est noble et prononcée ; elle a tout l’intérêt que le sujet réclame. (…) Votre Majesté pourra voir enfin Gérard à la place qu’il devait occuper depuis longtems, et se montrer un des plus grands talens de l’Europe (…).[9]

On remarquera que les représentations de chevaux dans la peinture de Gérard, sont extrêmement rares. Ce même dessin sera repris bien plus tard, en 1817 dans une autre peinture monumentale, celle de l’entrée de Henri IV


[9] Denon, Rapport à l’Empereur, Lettre n°AN89, 11 novembre 1810, Archives nationales AF IV 1050 dr 6 n° 7cc 11 novembre 1810.

à Paris[10] ; à droite du tableau, on observe la position identique du cheval sur lequel Jacques de Matignon salue l’arrivée du Roi en levant son épée au ciel. Peut-être pouvons-nous présumer que l’artiste chercha la facilité en reprenant ce modèle qui fit son succès ; cette étude équine n’en reste pas moins exceptionnelle chez notre peintre qui compte parmi les plus grands portraitistes de son temps.


[10] On notera un parallèle entre le tableau d’Austerlitz et celui de l’entrée d’Henri IV à Paris. Dans un rapport du comte Pradel, directeur de la Maison du Roi, il est demandé que les dimensions de la toile soient identiques. Le Comte de Pradel souhaite que M. Lavallée se concerte avec M. Visconti pour le prix du tableau commandé à M. Gérard « L'entrée de Henri IV à Paris », il l'informe que les dimensions doivent être les mêmes que celles du plafond de la salle du Conseil d'État représentant « La Bataille d'Austerlitz » qu'il doit remplacer (…). Archives Nationales, Série Musées Nationaux P6 - 20144790/58

Share by: