Jean-Baptiste DEBRET. 1768-1848. Artiste peintre, élève de David.

Importante étude du jeune Debret, élève de David, lors de son séjour à Rome en 1784-1785.

Etude de main d’après le modèle vivant pour le Serment des Horaces par Jacques-Louis David.

Circa 1784-1785

Sanguine, signé en bas à droite Debret, numéro d’inventaire en haut à droite « D6.44 »

Dimensions : 57,8 x 42,7 cm


Aux origines du voyage de Debret à Rome



 Le succès de David au Salon de 1781 avec le tableau de Bélisaire demandant l’aumône, attira sur lui l’attention du comte d’Angiviller, Directeur des Bâtiments du Roi, qui décide d’accorder au peintre, ancien prix de Rome, une commande royale. Le sujet n’étant pas arrêté, l’artiste médita alors la composition d’un tableau inspiré de l’histoire romaine des Horaces rapportée par Tite-Live (Histoire romaine) et dont Corneille a tiré une tragédie célèbre (Horace). Pendant près de trois ans, David envisage plusieurs cadres, et réfléchit notamment à l’épisode du vieil Horace défendant son fils. Il s’arrêtera finalement sur la figure guerrière des trois guerriers avant le combat, imaginant une scène qui ne figure pas dans la littérature ancienne, le serment d’Horace. S’inspirant de l’Histoire romaine écrit par Rollin, le serment prend place au VIIe siècle avant Jésus-Christ ; afin de cesser les affrontements sanglants que se livraient Rome et Albe, chaque cité décide de désigner ses champions : la première choisit les Horaces, la seconde les Curiaces. Un Horace seulement revint, donnant la victoire à Rome. Il ternit par la suite son triomphe avec le meurtre de sa sœur Camille, fiancée de l'un des Curiaces. Condamné, il est acquitté par le peuple pour la bravoure dont il avait fait preuve au combat. Si le récit ne manque pas d'opportunités à la représentation de la puissance dramatique, c'est l'instant imaginé du serment que David choisit pour mener la scène au paroxysme du pathétique. Ayant élaboré plusieurs études, David décide de réaliser son chef d’œuvre à Rome, dans le Palazzo Costanzi, voyage qu’il put se permettre grâce au soutien financier de son beau-père.

David qui est déjà à la tête d’une école, tient à se faire accompagner par trois de ses plus brillants élèves, Jean-Germain Drouais (1763-1788) qui vient de réussir le concours du Prix de Rome, Jean-Baptiste Wicar (1762-1834) et Jean-Baptiste Debret (1768-1848). 


Première esquisse de David pour le Serment des Horaces Musée des Beaux-Arts de Lille, INV pl.1194 - Collection Old Wicar, qui a participé au voyage à Rome

Il y a plusieurs variations avec le tableau final, notamment dans la composition des mains

Jean-Baptiste Debret, élève de David



Bien que Debret contribua toute sa vie à entretenir une véritable légende dorée autour de David, il nous laissa très peu d’éléments biographiques sur sa propre carrière artistique et en particulier sur ses débuts auprès du grand peintre. Fils d’un greffier au Parlement de Paris, il semble avoir fait ses études au collège de Clermont (futur lycée Louis-le-Grand) avant d’entrer dans l’atelier de David. C’est très certainement sur ses très grandes qualités de dessinateur, comme le fut Wicar, qu’il eut la grande faveur d’accompagner son maître à Rome ; là, il fut le témoin des travaux et de l’avancement du Serment des Horaces, tout en suivant l’enseignement et les conseils de David pour admirer les richesses artistiques de l’Italie. En 1791, il obtint le second prix de Rome avec le tableau Regulus revenant de Carthage. Il échappe à la conscription en 1792 et entre comme surnuméraire à l’Ecole des ponts et chaussées en 1793, puis comme dessinateur à l’école centrale des Travaux publics (futur école polytechnique), remplaçant le peintre Gérard comme instructeur. Ses liens avec son ancien maitre, devenu un personnage important de la Révolution, ont très certainement été entretenus puisque Debret épouse en 1794 Elisabeth-Sophie Desmaisons (1775-1848) d’une grande famille d’architectes, mais surtout cousine de David. Il revient bientôt à ses activités artistiques puisqu’il expose régulièrement aux Salons en 1799, puis à partir de 1804. Sous l’Empire, Debret est apprécié pour ses compositions à la gloire de Napoléon, et où l’on note l’influence davidienne, notamment avec sa grande toile Première distribution des croix de la Légion d’Honneur. Sous la Restauration, il participe à une importante mission au Brésil où il devient le peintre officiel de la Cour. Revenu en France en 1836, Debret est connu pour organiser chaque année un banquet commémorant la mémoire de David, en publiant notamment un dessin inédit du grand peintre.


Le Serment des Horaces


Dès avant son départ pour Rome, en septembre 1784, David avait fixé le cadre de son oeuvre. Contrairement à la tradition qui illustrait les scènes sanglantes du combat des Horaces ou du meurtre de Camille, David avait choisi de montrer la prestation de serment des trois frères devant leur père, jurant de combattre jusqu’à la mort pour le salut de Rome, dans une préfiguration du serment civique. La scène ternaire (les trois arcades, les trois frères et les trois épées, et succession des lignes triangulaires avec notamment les placements des jambes des différents acteurs) se passe dans la cour intérieure dallé d’une demeure patricienne. Le fond obscur s’oppose à la lumière latérale qui fait face au père des Horaces, tandis que dans une perspective épurée, toutes les lignes de fuite convergent vers la main du père, serrée sur les épées, nœud de la composition qui symbolise les intérêts supérieurs de la cité.

Grâce aux souvenirs de Debret, l’historien Péron précisera l’avancement du Serment des Horaces : Arrivé à Rome, David se mit de suite à l’œuvre, associant Drouais à ses travaux. Son premier soin fut de mannequiner toutes ses draperies avec le goût particulier qu’il possédait à un si haut degré. Drouais les dessina sur le papier pour être transportée après sur toile. Puis David ébaucha son tableau en entier. L’ébauche faite, il entreprit la figure de l’aîné des Horaces, qu’il peignit entièrement, aussi finie, aussi achevée qu’on la voit aujourd’hui. Cette seule figure parut déjà si belle, que le bruit en transpirant au dehors, David fut obligé de céder à la curiosité publique, en laissant pénétrer d’avance dans son atelier. Tout le tableau fut terminé en onze mois (…).


 Le jeune Debret ne fera aucune mention de son éventuelle aide, ou de sa contribution dans l’établissement des esquisses. Pourtant, au moment où David réalise ce qu'il souhaite être un exemple de patriotisme et de stoïcisme, l'élève comprend certainement l'importance de la tension des bras contractés, tendus, projetant les épées meurtrières mais ô combien salutaires pour les Romains. Debret se pose ainsi en dessinateur virtuose, maître de la ligne et des effets de lumière, conférant à sa composition une éclatante puissance visuelle. On peut observer à travers cette magistrale composition des mains et des épées, la finesse du détail mais aussi la sensibilité de la peau et la chair palpable qui affleure sous les lignes des mains.

David, Études pour le serment des Horaces

Musée Bonnat de Bayonne, A.I. 1888 N1.511, & A.I. 1889 N1.512

Vente David du 17 avril 1826, coll. Léon Bonnat.

Provenance probable

-         Atelier de Jean-Baptiste Debret, hérité par son frère François Debret (1777-1850), architecte puis par descendance à la famille Félix Duban

           (1797-1870), architecte et collaborateur de François.

 

Œuvres en rapport

 

  • Par David

-         Deux études d’épées. 1784. Dessin (album David f°41), 18,9 x 13,3 cm. Musée du Louvre, Dépt des Arts graphiques, coll. Mme Normand. Etude faisant             partie des recherches pour Le Serment des Horaces.


-         Le Serment des Horaces. 1782 ?. Dessin signé, 22,9 x 33,3 cm. Musée des Beaux-Arts de Lille, INV pl.1194, ancienne coll. Wicar.


-         Etude pour le Serment des Horaces. 1784. Dessin, 19,9 x 26,8 cm. Ecole des Beaux-Arts de Paris, INV 733, vente David du 17 avril 1826, coll. du peintre               Granger. Première pensée du tableau des Horaces.


-         Etude pour le Serment des Horaces. Fin 1784. Dessin, 26 x 35,5 cm. Musée du Louvre, Dépt des Arts graphiques, RF 29914, vente David du 17 avril 1826, coll. Mme Kraemer.


-         Etude pour le vieil Horace. 1785. Dessin, 57,8 x 36 cm. Musée Bonnat de Bayonne, A.I. 1888 N1.511, vente David du 17 avril 1826, coll. Léon Bonnat.


-         Etude pour le groupe des trois Horaces. 1785. Dessin, 58 x 44,8 cm. Musée Bonnat de Bayonne, A.I. 1889 N1.512, vente David du 17 avril 1826, coll.

           Léon Bonnat.


-         Le Serment des Horaces. 1785. Esquisse, huile sur toile, 26,5 x 37,5 cm. Musée du Louvre, Musée du Louvre, RF 47.


-         Le Serment des Horaces. 1784 (1785). Huile sur toile, 3,3 x 4,25 m. Musée du Louvre, INV 3692. Œuvre du Salon de 1785, coll. Louis XVI.

  •  
  • Par ses élèves

-         Ingres. Le serment des Horaces, d’après David. Circa 1797-1801. Dessin. Musée du Louvre, Dépt des Arts graphiques, RF 5272, coll. baron Vitta.

 

 

Bibliographie

 

-         Alexandre Péron, Notice historique sur le tableau du Serment des Horaces. In Journal des Artistes, n°19, novembre 1839, pp. 289-299.


-         Delecluze, Louis David, son école et son temps, 1855.


-         Jules David, Le peintre Louis David, souvenirs et documents inédits, Paris, V. Havard, 1880.


-         Philippe Bordes, art. Dessins perdus de David, dont un pour “la Mort de Socrate”, lithographiés par Debret, in Bulletin de la Société de l’histoire de                 l’art français, année 1979, 1981.


-         Pierre Rosenberg et Louis Antoine Prat, Jacques-Louis David, 1748-1825. Catalogue raisonné des dessins, Milan, Leonardo Arte, 2002.

 


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